Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Brexit sans jamais oser le demander

Aussi loufoque soit-il, le feuilleton du Brexit indique qu’il existe plusieurs vies en dehors de l’euro, qui ne compromettent en aucun cas le commerce et la coopération internationale.

 

Avant le référendum, le Royaume-Uni était membre de l’Union Européenne (UE) sans adhérer à l’Union Economique et Monétaire (UEM). Il avait un libre-accès au marché unique, tout en conservant la maîtrise de sa politique budgétaire, de sa politique monétaire et de sa politique de change. Il n’avait pas à respecter le pacte de stabilité, pratiquait à discrétion le « Quantitative Easing » et dévaluait au besoin sa monnaie pour améliorer sa compétitivité. Il bénéficiait en outre d’un rabais sur sa contribution au budget communautaire. Tout ceci lui procurait de avantages sur les Etats-membres de la zone euro. Le Royaume-Uni avait donc « le beurre, l’argent du beurre… et le reste ». Les milieux d’affaires se délectaient de cette situation. Lors de la négociation sur les perspectives financières 2014-2020, David Cameron, alors Premier ministre conservateur, n’avait fait que brandir une menace de référendum pour obtenir, avec succès, la reconduite du rabais britannique. Mais en lâchant le mot de « référendum », le dentifrice était « sorti du tube » et Cameron fut contraint, à contrecœur, d’organiser la consultation qui s’avéra favorable au Brexit.

L’accord d’une sortie ordonnée, négocié par Teresa May, change peu de chose sur le plan économique. Le Royaume-Uni serait partie prenante d’une union douanière avec l’Union européenne. Ceci permet d’éviter le rétablissement d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande (qui restera membre de l’UE). Une fois réglées les derniers 40 milliards de livre dues au titre de ses engagements budgétaires communautaires passés, le Royaume-Uni cesserait toute contribution. Sur le plan politique, il perdrait évidemment son droit de vote au Conseil européen.

Cet accord a été rejeté par l’aile dure du parti conservateur, partisane d’un «Hard-Brexit ». Alors que l’union douanière impose de respecter les accords commerciaux signés par l’UE et un certain nombre de normes, une sortie sans accord permettrait, aux yeux des « Hard-brexiters », au Royaume-Uni de signer ses propres accords commerciaux avec les pays tiers. Certains prônent un scénario où le Royaume-Uni, à l’instar de la Norvège, de l’Islande et du Lichtenstein, membres de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE), signerait un accord avec l’UE dans le cadre de l’Espace Economique Européen (EEE). Ce scénario se différencie de celui d’une union douanière, où prévalent des tarifs douaniers communs, car il permet à chaque partie-prenante de choisir sa propre politique commerciale vis-à-vis des pays non-membres de ce marché intérieur. Il est conforme à la position que les britanniques défendaient traditionnellement avant la mise en place du marché commun. Pour autant, l’aile dure des Tories n’a pas l’intention de renverser Mme May pour laisser le pouvoir au Labour. C’est pourquoi elle a fait capoter le vote sur l’accord à la chambre des communes tout en rejetant la tenue d’élections anticipées, ainsi que l’hypothèse d’un nouveau référendum.

Mme May est finalement parvenue à obtenir un vote de la chambre des communes en faveur d’un report du Brexit, assorti d’une sortie avec le principe d’un accord, sans toutefois que son contenu n’ait été entériné. Le 21 mars, les vingt-sept Etats de l’UE ont accepté de reporter le Brexit au 22 mai, en cas de ratification de l’accord par la chambre des communes. A défaut, le Royaume-Uni devra trancher au plus tard le 12 avril, date butoir pour organiser les élections européennes. Le pays est de fait sommé de choisir, à cette date, de rester dans l’UE, ou de partir sans accord. Dans l’éventualité d’un « no deal », George Hollingbery, secrétaire d’Etat à la politique commerciale, a d’ores-et-déjà annoncé que 87% des importations seraient exemptées de droits de douane (seulement maintenus pour « les industries les plus sensibles ») et qu’il n’y aurait pas de contrôles douaniers à la frontière irlandaise. Le commerce international n’arrêtera pas de tourner…

Par Liêm Hoang-Ngoc (ancien député européen, maître de conférences à l’Université de Paris 1)