Les partisans du socialisme et de l’écologie doivent agir de concert

 

 

 

 

 

 

 

Face au nouveau bipartisme opposant néo-libéraux et ultraconservateurs, quatre politiques et syndicalistes appellent à bâtir un projet « éco-socialiste ».

Liêm Hoang-Ngoc (économiste, Conseiller régional d’Occitanie)

Mehdi Kemoune (ex-secrétaire général de la CGT Air-France)

Olivier Spinelli (porte-parole de la Nouvelle Gauche Socialiste)

Damien Thomas (directeur des Rencontres pour une culture populaire de Bordeaux)

Tribune parue dans Marianne.fr le 29 mai 2019

Le résultat des élections européennes est préoccupant pour le camp du progrès social et de l’écologie. Le score réalisé par la liste conduite par Yannick Jadot atteste de la prise de conscience de l’urgence écologique, notamment au sein des nouvelles générations. Cette liste a capté une bonne part des suffrages qui s’étaient portés il y a deux ans sur La France Insoumise. Pour autant, les forces politiques ayant vocation à résoudre la question sociale ont reculé en ordre dispersé.

Le paysage qui se profile met déjà aux prises le pôle néo-libéral et le pôle ultra-conservateur. Ce dernier happera progressivement les anciennes droites légitimiste et poujadiste (voire même certains bonapartistes) vers l’extrême droite. Instrumentalisant le mécontentement des « gilets jaunes », cet arc de forces n’a eu de cesse d’insuffler ses thèmes traditionnels : l’antiparlementarisme primaire, le procès de l’impôt et de la dépense publique. La prise du pouvoir par un tel arc réactionnaire est désormais une hypothèse plausible, comme l’indiquent les majorités en passe de se constituer dans de nombreuses municipalités lors des prochaines élections. Les idées économiques, sociales et sociétales les plus rétrogrades prédominent désormais en son sein. La ligne « Philippot » a été écartée sur le terrain économique et social, tandis que l’influence de « Sens commun » et de « La manif pour tous » ont rendu encore plus poreuse la frontière entre la droite légitimiste et l’extrême droite. De tels rapprochements « bleus-bruns » se dessinent déjà dans certains pays européens, dans un contexte de montée du populisme de droite. Tout ceci présage non seulement de nouvelles attaques contre notre modèle social, mais aussi du renforcement notable d’idéologies rétrogrades et xénophobes, déjà bien installées. Pire, le climato-scepticisme qui anime les tenants de cette nouvelle coalition entravera la transition écologique, vitale pour notre planète.

En l’absence d’actes forts et rapides de notre camp, les futures échéances électorales, en particulier l’élection présidentielle de 2022, mettront aux prises les néo-libéraux et les ultra-conservateurs. Parce que l’écologie n’est pas soluble dans le libéralisme, les partisans du socialisme de l’écologie doivent maintenant dialoguer à tous les niveaux. Pour proposer une alternative éco-socialiste, les défenseurs du socialisme devront en particulier se recentrer sur le traitement de la question sociale. Quel contrôle de la production au service du bien commun et de la transition écologique ? Quelle clé de répartition des richesses ? Quel modèle social ?

Leurs sensibilités sont aujourd’hui éclatées en diverses composantes, consécutivement à la conversion du PS au social-libéralisme. Ils sont appelés à se reparler. Leur réunion inévitable ne devra pas accoucher d’une souris, en l’occurrence d’un cartel d’organisations défendant chacune son petit pré carré. Elle doit aboutir au lancement d’un mouvement original, démocratique et pluraliste, où les vieilles maisons en ruine et les nouveaux préfabriqués provisoires acceptent de s’effacer au profit de l’intérêt éco-socialiste commun. Les sensibilités propres à la tradition politique française pourront confronter en toute fraternité leurs solutions, en mettant leurs réflexions au service du mouvement. Ce travail sur le fond sera crucial, tant il s’agit désormais de sortir des postures électorales et d’œuvrer à la rédaction d’un programme d’action crédible à différentes échelles, du local au global. Seule cette perspective ambitieuse sera à même de convaincre celles et ceux qui ont fini par douter qu’une autre politique est possible pour traiter la question sociale, l’urgence écologique et pour sortir du piège austéritaire européen.

C’est à ces conditions que le pôle éco-socialiste se relèvera et sera en mesure, demain, de proposer une alternative crédible et conséquente face aux néo-libéraux et aux ultra-conservateurs.