Les annonces de Macron ne profitent pas aux plus modestes

Pour l’économiste Liêm Hoang-Ngoc, passé par le PS et la France insoumise, les mesures Macron ne risquent pas de calmer les ardeurs des gilets jaunes. Il explique pourquoi.

Tribune parue dans la rubrique « Débattons’ de Marianne.fr le 2 mai 2019

 

Le président de la République a, au total, engagé deux vagues de mesures censées répondre aux attentes des Gilets Jaunes. La première fut annoncée le 10 décembre 2018, avant le lancement du Grand débat national. Son coût théorique, de 11 milliards, a été intégré dans le programme de stabilité remis à la Commission européenne. Celui-ci prévoit un déficit public de 3,1% du PIB en 2019, une augmentation du déficit structurel et un taux d’endettement maintenu. Comme dans le cas italien, la trajectoire budgétaire de la France dérogera donc de celle imposée par le Six packs, ensemble de textes européens encadrant la préparation de la loi de finance. La Commission se montrera-t-elle plus indulgente avec la France?

Les annonces comprennent la ré-indexation des retraites sur les prix, une baisse des premières tranches de l’impôt sur le revenu et une reconduction de la défiscalisation de la prime exceptionnelle. Son coût est estimé à 9 milliards. Elle devrait en partie être financée par la suppression de la niche Copé, exonérant d’impôt sur les sociétés les plus-values de cession réalisées sur les titres dont a durée de détention excède deux ans. Sa suppression devrait être présentée comme la contrepartie du non-rétablissement de l’ISF… Pour ne pas attiser les braises, le chef de l’Etat a évité d’évoquer l’instauration d’un jour férié travaillé pour financer la dépendance, après que ses hussards en aient brandi la menace. Il a fait mine de « concéder » que la durée légale du travail resterait inchangée, que la suppression des 120 000 postes dans les services publics serait déprogrammée et qu’aucune fermeture d’école et d’hôpital ne se produirait. Mais il n’a pas manqué de rappeler que l’allègement du coût des heures supplémentaires, encouragé par les lois travail, permet facilement d’allonger la durée effective du travail. Quant aux promesses faites de maintenir la durée légale de départ à la retraite et de fixer la retraite plancher à mille euros, elles sont le pendant des décotes et bonifications d’ores-et-déjà envisagées pour inciter les salariés à reculer l’âge effectif de leur départ à la retraite.

SAUPOUDRAGE

Tout compte fait, les mesures bénéficiant véritablement aux classes modestes – celles dont le niveau de vie est inférieur à la médiane (1700 euros) – ne dépassent pas 6 milliards : prime d’activité (2,5 milliards), défiscalisation des heures supplémentaires (2,4 milliards) et prime exceptionnelle (1 milliards). Elles ne profitent pas à tous et sont donc vécues comme du saupoudrage. Les 5 autres milliards prévus en décembre dernier ne sont que des annulations de taxes : annulation de la hausse de la CSG pour les retraites inférieures à 2000 euros (1,5 milliards), annulation des hausses de la Contribution climat-énergie et de taxes sur le carburant (3,9 milliards). Cet argent, prélevé en 2018, remplissait auparavant le porte-monnaie des Français et ne leur sera pas restitué. De même la ré-indexation des retraites sur l’inflation en 2020 et 2021 (3 milliards) ne fera que rétablir la situation d’antan des anciens.

Enfin, la baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu est présentée comme la mesure-phare « en direction du ceux qui travaillent ». Elle ne profitera cependant qu’à la moitié des ménages, celle, imposable, au sein de laquelle se trouve l’électorat que cherche à capter Emmanuel Macron. Il fait à cet égard « d’une pierre deux coups » : une baisse des taux marginaux des premières tranches d’imposition servirait non seulement les 40% du milieu (au-dessus de la médiane) formant les classes moyennes, mais allègerait de fait la taxation des premières fractions de revenus salariaux des plus aisés, qui bénéficient déjà de la suppression de l’ISF (3,5 milliards) et de la Flat Tax sur les revenus du capital (2 milliards).

Le partage du gâteau très politique issu du Grand débat national permettra-t-il d’éteindre l’incendie social qui couve ? Rien n’est moins sûr.