Populisme, socialisme, libéralisme, ou va la gauche ?

Le « nouveau monde » politique est marqué par trois faits majeurs. Premièrement, le rassemblement des libéraux des deux rives au sein du parti présidentiel a consolidé la représentation politique du nouveau « bloc bourgeois ». Celui-ci a décidé de faire sécession quant au financement de l’Etat social et a obtenu gain de cause dans les réformes de la fiscalité et du marché du travail, accomplies dès l’investiture d’Emmanuel Macron en 2017. Cette politique creusera les inégalités sans parvenir à atteindre les objectifs annoncés. Ce rassemblement a amputé la droite de son aile orléaniste. Les courants légitimistes et bonapartistes qui subsistent, au sein ou en dehors de LR, ne reposent plus que sur une base traditionnaliste et restreinte. Le discours de nombre d’entre eux est devenu poreux avec celui de l’extrême droite, en passe de les aspirer pour constituer un bloc néo-conservateur susceptible de représenter une alternative au Macronisme. Ceci constitue le deuxième fait majeur. Troisièmement, symétriquement à la décomposition de la droite, la gauche a volé en éclat suite au ralliement de l’aile droite du PS à la Macronie et au départ de la majorité de son aile gauche. Le PS, réduit à portion congrue, continue d’être écartelé entre deux lignes entre lesquelles il n’entend pas, pour l’heure, trancher. EELV a siphonné les déçus du PS qui s’étaient tournés lors de la présidentielle vers un Jean-Luc Mélenchon désormais démonétisé.

Dans ce « nouveau monde », les partisans du socialisme et de l’écologie ne sont en aucun cas condamnés au populisme ou à la marginalité. L’hypothèse populiste d’une fédération des « multitudes » aux demandes sociales hétérogènes est d’autant plus fragile que le populisme de droite est bien plus poreux avec la droite légitimiste et avec une fraction non négligeable de la droite bonapartiste, qu’avec les populistes de gauche. Pour autant, déclarer sur tous les tons que le clivage gauche-droite est révolu revient à banaliser plus ou moins consciemment l’émergence d’un front populiste « dans les urnes », dont bénéficierait lors d’un second tour en 2022 la candidate populiste, tellement éloignée des rivages du socialisme, de la démocratie et de l’écologie.

Le retour de la lutte des classes conduira tôt ou tard la gauche à placer de nouveau la résolution de la question sociale au centre d’un programme politique à vocation majoritaire. A l’heure où la montée des inégalités et le réchauffement climatique apparaissent comme étant étroitement liés aux dérives du mode de production capitaliste, une alternative éco-socialiste au « progressisme » est en effet susceptible d’être portée par la majorité des salariés qui, au-delà de leur diversité, forment 90% de la population active. Dans le climat social qui se tend, ils sont plus que jamais en quête d’un sens à leur travail et à leur vie et sont porteurs de revendications sociales et écologiques. Loin d’avoir été sanctionnée pour être restée crispée sur la question sociale qu’elle a au contraire maltraitée, la gauche pourrait renaître majoritairement autour d’un tel programme. C’est pourquoi l’organisation d’un nouveau « congrès d’Epinay », prenant la forme d’un rassemblement de toutes les forces attachées au socialisme et à l’écologie se révélera tôt ou tard une nécessité.

Liem Hoang Ngoc, Economiste, ancien député européen, maître de conférences à l’Université de Paris.